L’histoire du moteur Harley-Davidson Evolution en 13 points

Dès 1980 et malgré des moyens très limités (Harley-Davidson est toujours dirigée par AMF), un premier prototype du V-Twin 1340 cm3 Evolution voit le jour. Ce projet est cornaqué par l’ingénieur en chef Don Valentine et John Favill, un transfuge de Norton et qui a notamment dessiné la Commando.

Durant 3 ans, ceux qui se nomment eux-mêmes la « team Evo » vont construire le « V-Twin du renouveau ». Ce bicylindre étudié par ordinateur sera testé sur banc de puissance et parcourra plus de 1,5 million de kilomètres. En 1983, un premier lot est commercialisé en parallèle avec les derniers Shovelhead. Le Sportster fera le grand saut en 1986.

1 – Un moteur nommé « Evolution »

moteur Harley 1340 Evolution

Le nom d’« Evolution » n’est pas le fruit du hasard ! Il signifie que la Motor Compagny propose des motos qui ont « évolué » pour être aux standards de la production japonaise.

Suivant la tradition, certains bikers le nommeront, «  Blockhead » en raison de ses cache-culbuteurs en trois parties de forme cubique. Cette appellation restera très marginale.

2 – Les 4 objectifs du V-Twin Evolution

  • Ce nouveau V-Twin doit pouvoir parcourir au bas mot 130.000 km sans intervention majeure. Les culasses du Shovelhead nécessitent une réfection tous les 15.000 à 35.000 km. Un acte de foi en somme !
  • Le kilométrage entre deux révisions doit être doublé.
  • Ce moteur doit répondre aux normes de l’époque (apparues en 1970 et renforcées en 1977) et futures en matière de réduction des émissions polluantes et sonores. Un quart du service R&D aurait travaillé sur le question.
  • Ce 7e Big Twin doit respecter une certaine tradition établie avec le premier V-Twin Harley-Davidson de 1909 : V-Twin à 45° refroidi par air et deux soupapes par cylindre. Ce moteur longue course (course supérieure à l’alésage) privilégie le couple à bas régime plus que la puissance.

3 – Pourquoi un moteur tout aluminium ?

Dès le lancement du projet, le V-Twin Evolution sera équipé de cylindres et culasses en alliage d’aluminium. Les chemises restent en fonte bien que l’équipementier allemand de Malhe ait proposé un traitement Nikasil déjà utilisé sur le Flat Twin des BMW Série R et Monolever.

Le racer XR750 de 1972 a démontré les bienfaits d’une motorisation tout aluminium. Panhead puis Shovelhead souffrent de fuites chroniques du joint de culasse en raison de l’écart de dilatation entre ces deux matériaux.

L’aluminium dissipe plus rapidement les calories d’un moteur propice à la surchauffe due à son architecture : un V-twin à 45° qui ventile mal le cylindre arrière.

Bien que cela ne soit pas l’objectif premier, le Big Twin Evolution est plus léger de 9 kg que son aïeul.

4 – Des jeux minimes pour une fiabilité optimale

Pour se faire et contre l’avis de syndicats, Harley-Davidson externalise la fabrication des roulements et des pistons. Ces derniers sont produits en Allemagne chez Mahle. Les pistons Mahle sont faits dans un alliage d’aluminium à haute teneur en silicium (12%) résistant à l’usure. Grâce à cela, le jeu piston/cylindre à froid demeure d’actualité avec 0,035 mm à froid et 0,01 mm moteur chaud.

De plus, cela réduit les bruits mécaniques. Ces tolérances minimes vont permettre au moteur Evolution de respecter les normes environnementales pendant quinze ans (1984-1999). Son successeur, le Twin Cam 88 (1998) sera développé principalement pour respecter la norme Euro 3 de 2003.

5 – Première nouveauté technique : cylindre et culasse maintenus par des goujons

Sur le Shovelhead, chaque culasse est solidaire du cylindre grâce à 4 courtes vis. Elles supportent difficilement la dilatation de la culasse en aluminium. Une surchauffe pouvait étirer définitivement la vis provoquant une perte d’étanchéité du joint de culasse et par conséquent une fuite d’huile.

Les ingénieurs de Milwaukee résolvent ce problème en montant 4 longs goujons. Boulonnés au carter moteur qui passent à travers le cylindre pour s’ancrer à la culasse. Grâce à leur grande longueur, ils sont intrinsèquement plus élastiques. Pour l’anecdote, la team Evo a relevé que le 1340 Evolution se dilate de 0,46 mm. Cet étirement participe à la bonne étanchéité du haut moteur.

6 – Une lubrification moderne

lubrification moteur Harley Evolution

Le système de lubrification est issu du monde automobile (Chevrolet) avec des passages internes alors qu’il est externe sur les Shovelhead et Ironhead.

L’huile lubrifie le haut moteur grâce à des tiges de culbuteurs creuses puis elle retourne dans le carter moteur via un orifice placé dans le cylindre, coté échappement. La pression d’huile est apportée par une classique pompe à engrenages.

7 – La Distribution du 1340 Evolution

moteur Harley 1340 Evolution

La mise au point de la distribution du moteur Harley 1340 Evolution nécessitera plusieurs milliers d’heures au banc de puissance. Il faudra créer un logiciel qui modélise les levées et qui limite, autant que faire se peut, les forces néfastes associées à la distribution héritée du Knucklehead de 1936.

Les ingénieurs testeront près d’une douzaine d’arbres à cames et de pignons d’entraînement pour finalement trouver le bon compromis.

Les supports de poussoirs, qui font désormais partie de la lubrification sont redessinés. Les poussoirs de marque Eaton sont plus larges avec de nouveaux roulements. Les culbuteurs sont redessinés pour provoquer une rotation de la soupape afin d’améliorer son refroidissement. Cette zone de contact subit les plus fortes températures.

Les bruits de distribution se doivent d’être minimes afin de répondre aux normes et de conférer à ces motos, une finition au niveau d’une Japonaise.

8 – La chambre de combustion : une évolution sire, non une révolution

Afin d’avoir un rendement moteur optimal, « la doctrine » de la chambre hémisphérique qui prévalait dans l’automobile américaine des 50’s et 60’s ainsi que sur le Knucklehead est mise au panier !

Le banc d’écoulement, mis au point notamment par Jerry Branch (KRTT, XR1000, etc.) à la fin des années 60, a permis de réinventer la culasse d’un moteur longue course.

Ce n’est plus le diamètre des soupapes qui fait loi, mais la rapidité à remplir puis à vider le cylindre qui prévaut grâce aux appels d’air.

Les deux soupapes de petits diamètres ont un angle de seulement 58° permettant d’obtenir une chambre de combustion de petit volume. Il est de 72 cm3 sur le 1340 et 49,5 cm3 sur le Sportster.

V-Twin Evolution 1340
En incrustation, un piston d’Evolution : no comment !

La chambre de combustion est de type en « D » et elle possède une zone étroite entre la paroi et la calotte du piston, dite zone de squish, qui brasse le mélange air essence pour un meilleur rendement.

En comparaison, les soupapes d’admission et d’échappement du Shovelhead et de l’Ironhead forment un angle respectif de 78.5°et 90° caractéristique des chambres hémisphériques à pistons bombés.

Le piston du V-Twin Evolution est quasiment plat et il est donc peu enclin aux points « chauds » générant des autoallumages. Grâce à cela, le taux de compression peut s’établir à 8,5:1 contre 8:1 sur un Shovelhead.

9 – Pourquoi deux ans entre le Big Twin et le Sportster Evolution ?

Ce n’est qu’après la mise sur le marché des premières Harley-Davidson 1340 Evolution en 1983 que débutent les travaux pour concevoir un successeur au moteur Ironhead .

Ceux-ci seront « pliés » en l’espace de deux ans. Primo, ils profitent des acquis du 1340 Evolution et deusio, la team Evo fait face à une distribution plus « logique et moderne » bien qu’héritée du Flathead de 1929. 4 arbres à une came actionnent les soupapes via des tiges de culbuteurs parfaitement alignées avec les culbuteurs.

D’ailleurs, un Sportster 1200 est plus performant qu’un Big Twin. Au final, la distribution du Sportster ne nécessitera que 3 moutures.

Le Sportster Evolution sort en 1986 et est décliné en 883 cm3 et 1200 cm3 (1100 cm3 en 1986 & 1987). Ces deux cylindrées sont purement commerciales et ne sont dues qu’à la valeur de l’alésage.

10 – Le cadre Softail

On ne peut parler de renouveau sans l’autre élément clef qui sera associé au moteur Harley 1340 Evolution : le cadre Softail.

Harley-davidson FXST softail 1984

Produite dès juin 1983 pour le millésime 1984, cette partie cycle va participer au renouveau du constructeur. Elle permet, grâce à deux amortisseurs judicieusement cachés sous l’ensemble moteur-boîte, d’avoir une dégaine de rigide. Willy G. Davidson pourra faire feu de sa créativité et revisitera les grands crus qui ont marqué l’histoire de la Motor Compagny. Les motos vintage et custom venaient de naître !

Le premier prototype de ce châssis voit le jour dès 1972. Il est l’œuvre du pilote de dragster Bill Davis qui le réalisa dans son atelier de Saint-Louis. Harley-Davidson s’empara de l’idée sans lui verser la moindre royalties…

11 – Est-ce le meilleur moteur jamais conçu par Harley-Davidson ?

Pour beaucoup de bikers, avec le moteur 1340 Evolution, Harley-Davidson réalise là son chef d »œuvre.

C’est pourquoi deux décennies après la fin de sa commercialisation, le Big Twin Evolution conserve une cote élevée. Pour en savoir plus, lire : Acheter une Harley Evolution d’occasion.

Ce septième Big Twin dans l’histoire de la Motor Compagny associe fiabilité hors norme et grande simplicité. Sous des dehors vintage, les diverses générations de Twin Cam et l’actuel Milwaukee Eight sont de plus en plus sophistiquées. Ces V-Twin font la part belle à l’électronique afin de respecter des normes environnementales toujours plus contraignantes.

Le 1340 Evolution est ce moteur « du juste équilibre» qui profite des bons cotés du modernisme sans en avoir les vicissitude. Ainsi, Il embarque une électronique minimaliste et il est alimenté par un unique carburateur Keihin qui se fait parfaitement oublié.

12 – Fiche technique du moteur Harley-Davidson 1340 Evolution

  • Cylindrée réelle : 1340 cm3 ou 81,64 cui
  • Taux de compression: 8,5:1
  • Alésage x Course (en mm) : 88,9 x 107,95
  • Distribution : deux soupapes par cylindre culbutées avec un arbre à quatre cames placé à la base du V-Twin
  • Alimentation : un seul carburateur Keihin 38 puis 40 mm
  • Puissance : 54,64 ch max. à 5200 tr/mn
  • Couple. : 86 Nm dès 2400 tr/mn. (max : 92 Nm à 3500 tr/mn)
  • Consommation d’huile : 35 cl tous les 1600 km

13 – Chronologie :

  • 1983 : Les culasses des premiers Evolution ou Early Evo sont conçues dans un alliage d’aluminium 242. Ce matériau, riche en cuivre, magnésium et nickel, était utilisé dans les moteurs d’avions de la Seconde Guerre mondiale.
  • 1984 : dernière année de production du Shovelhead.
  • 1984 : Lancement du FXST ou Softail.
  • 1985 : Transmission finale par courroie sur tous les Big Twin. Culasses désormais réalisées en aluminium coulé.
  • 1986 : nouvelle ligne d’échappement avec le tube d’équilibrage barrant le V-Twin.
  • 1986 : sorties du 833 et 1100 Sportster à boîte 4 rapports.
  • 1988 : Keihin CV40 à dépression remplace le Keihin 38mm à papillon.
  • 1988 : Springer Softail.
  • 1990 : Fat Boy.
  • 1995 : Les Electra Glide (FLT) reçoivent une injection Marelli.
Photo of author

Laurent Blasco-Calmels

Laurent, passionné par les belles mécaniques en tous genres & curieux des nouvelles technologies. Ex journaliste & auteurs de plusieurs livres bien avant que cela soit "trendy".

6 réflexions au sujet de “L’histoire du moteur Harley-Davidson Evolution en 13 points”

  1. Je me suis inscrit à une moto école pour passer mon permis A2.
    Ensuite, je prospecterai pur acquérir une routière d’occasion de 1200 cm3 d’occasion .Budget 12000 €.
    En retraite après 25 ans en Afrique et pratique de 3 motos successives, je souhaite sur ma Harley découvrir la France que je ne connais pas du tout
    Chouette programme !
    A +
    Riger GILBERT

  2. a 68 ans apres 50ans de bons et loyeaux service aux panheads 1000 fonte et shovel early et late j’ai craque pour un fxrs de1984 si un vieu de la vielle a des conseils a me donner suis preneur keep on rolling

  3. Salut,
    une bonne vidange moteur tout les 4000 km avec changement d’huile (minérale) et le filtre et tous les 8000 pour la boîte et le primaire et ça devrait rouler sans problème. Les 1340 Evo des années 80 sont les plus costaux car la MoCo devait se refaire une réputation !
    Grand V

  4. Dans le paragraphe 5, il est écrit:
    « Les ingénieurs de Milwaukee résolvent ce problème en montant 4 longs goujons. Boulonnés au carter moteur, ils traversent le piston pour s’ancrer à la culasse. »
    Etes-vous bien sûr que les goujons traversent le piston ? Ne faudrait-il pas plutôt lire « les goujons traversent la partie ailetée du cylindre » ?
    Cordialement.

  5. Bonjour Laurent… Mon moteur fonctionne très-bien !
    Je garde toujours depuis longtemps « Blockhead » Fat-Boy 1993′ 168.000 km (d’origine).Il faut très-bonne huile c’est tout ! les eux NON ???
    J’ai vu et entendu parler problèmes les 2 moteurs Twin-cam et Milwaukee-8,
    tous les pompes à huile,les arbres à came et les pièces mécaniques abîmées.
    les ingénieurs sinon-rien !!! Mon les amis sont jamais contents….Hé là là…
    Ben voilà… A+ Terry…

Laisser un commentaire